Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
naissance naturelle
naissance naturelle
Publicité
Derniers commentaires
Archives
17 avril 2006

Plaidoyer pour une naissance sans violence


source :Farida Hammani


Mon enfant, mon tout petit, tu es arrivé, dans l'éblouissement de la chair ; Et tu t'es mis à puiser, au mystère de mon corps, le suc de mon sang. Puis tu es sorti de moi, douleurs d'entrailles, sueurs d'angoisses. Tu es sorti, comme un oiseau de sa coquille, et je t'ai nourri de mon lait... Maintenant, mon petit enfant, mon bébé, je te regarde dormir, fleur charnelle à peine ouverte sur la vie, mais à jamais enracinée au secret de mes fibres. Je te regarde dormir, et mon coeur déborde de tendresse.

Stop ! On ne rêve plus ! On est en l'an 2000 ! Dans un pays ci-vi-li-sé !

Mon enfant, mon tout petit, tu es arrivé dans l'éblouissement de la chair... Là c'est de la conception qu'il s'agit, et, même si ce n'est pas l'envie qui manque et s'il est malheureusement vrai qu'en Australie, en Amérique et sûrement encore ailleurs le trafic et la manipulation d'embryons est en pleine expansion, on n'a pas encore trouvé plus sûr et moins cher en France que l'acte sexuel, tout bête, pour faire un enfant..

Et pourtant, déjà à ce stade, ça commence à coincer... On nous parle d'une baisse de la fertilité générale et il y aurait une baisse certaine de la libido chez les jeunes. Comment se fait-il ? Je croyais que la pilule nous avait libérés ? Nous pourrions disserter longtemps sur ce qui conduit au manque de plaisir dans nos sociétés dont la plupart des membres ont tout avant même de l'avoir désiré... mais en matière de maternité je voudrais pointer deux choses :

    * Une médicalisation de tous les actes de la vie génitale des jeunes filles en particulier : nombre de mères modernes amènent leurs filles chez le gynécologue, parfois dès 12 ans pour un retard de règles, pour un cycle irrégulier, vers 14 ans , dès que se profile la menace d'un rapport sexuel possible ; la plupart de ces jeunes femmes gardent de ce premier examen gynécologique une impression de viol, tant physique que moral, blessées dans leur pudeur, leur intimité elles expriment une colère monstre contre leur mère qui a laissé faire «ça» et elles revoient la scène : «baisse ta culotte, allonge-toi là, voilà, écarte les genoux, je ne vais pas te faire mal, détends toi voyons, comment veux-tu que j'y arrive ? ? ? Elle est tendue votre fille , madame , non ? » et la maman , gênée, de s'excuser... (Lire à ce sujet «NATIVITES » de Michèle Gazier, Ed. Seuil)

    * La présentation négative qui est faite de l'amour par les éducateurs et enseignants. Le mot d'ordre c'est : «Pas de grossesse, pas de SIDA» et nul ne peut nier que ça parte d'un bon sentiment. Le protocole c'est : PILULE/PRESERVATIF, brandis comme des paravents sécuritaires, personne n'ose parler de plaisir, de jouissance.

Conditionnée dès la puberté, ayant déjà «son» gynéco, la jeune femme est prête à se soumettre aux lois de la RAISON MEDICO-SOCIALE lors de sa 1ère grossesse. Nadia 15 ans, l'a bien compris, et n'était pas d'accord. Hébergée dans un foyer d'accueil, elle a connu «le grand amour» et, respectant son instinct, a gardé jalousement le secret de la grossesse qui en a résulté. Ses éducateurs affolés et sidérés d'avoir été trompés si longtemps, me l'ont adressée au 8e mois : «Je leur ai rien dit, ils auraient pas arrêté de me conseiller d'avorter, tandis que là, j'ai eu la paix tout du long.. » Elle était fière de son coup Linda, elle est allée à l'accouchement sans peur, elle montre sa fille comme un trophée.

Pour avoir fréquenté 30 ans les milieux médicaux, m'être occupée de prévention, de soins et de maternité, j'ai vu la montée de la technologie et des arguments sécuritaires remplacer le goût simple de vivre, donc d'oser, de risquer, d'éprouver, d'exprimer. Tout se passe comme si l'augmentation de la soi-disant sécurité, la prise en charge de toutes les étapes de la vie par des spécialistes enlevaient à l'être humain ce que Michel Odent a appelé le «simple, barbare, irrépressible amour de la vie.»

Mon enfant, mon tout petit, tu es arrivé dans l'éblouissement de la chair ; Et tu t'es mis à puiser, au mystère de mon corps, le suc de mon sang. Bon, là elle est enceinte. Mais est-ce bien sur ? Le retard de règles ne suffit plus à affirmer la grossesse : après plusieurs années d'oestro-progestatif, les jeunes femmes n'osent plus interpréter les messages de leur corps : 90% d'entre elles achèteront à leurs frais un test en pharmacie, puis iront dire à leur médecin que celui-ci est positif, il faudra encore le confirmer par un test sanguin, et enfin dater la grossesse par une échographie.

Ecoutons Virginie 23 ans : «Pour confirmer que j'étais bien enceinte, le docteur m'a fait une écho ; j'étais super contente, émue de voir le coeur battre, mais il m'a tout de suite refroidie : «Ne vous emballez pas, 25% des femmes font des fausses couches». Résultat, j'ai attendu d'être enceinte de 5 mois pour annoncer que j'attendais un bébé à la famille et aux amis. J'ai vécu dans l'angoisse jusqu'à la prochaine visite.»

La déclaration faite, le doute s'infiltre dans la relation. On propose à la future mère de s'assurer, par le triple-test que le produit de ses amours est bien conforme à la norme actuelle. Attente, angoisse. Ouf, tout va bien, elle n'est pas dans le pourcentage «à risque». Elle aurait pu y être, elle aurait alors pris rendez-vous dans un centre spécialisé où on lui aurait gentiment fait signer une décharge avant de pratiquer une amnioscentèse. Ces examens sont fabuleux, mais ils ne sont pas sans risques voyez-vous, ça s'appelle le consentement éclairé des patients... Alors, avec son accord, on pique dans l'utérus, on retire du liquide, et encore une fois, on attend les résultats. Angoisse. Pendant ce temps, pas question d'investir cet enfant de ce «sauvage et fol amour de la vie» dont on parlait plus haut. Reste tranquille petit, on attend le feu vert du corps médical. A la maison on préfère ne pas parler, peur de dire des choses définitives. Et s'il n'était pas normal ? qu'est-ce qu'on ferait ? Peur d'entendre l'autre dire ce qu'il ferait. Souffrances physiques et affectives infligées aux femmes, par l'institution médicale et administrative, manipulations mentales par des associations ou des gourous de tout bord, ou des groupes religieux qui ressortent régulièrement leurs idées culpabilisantes, voire fascisantes, réinventant à chaque génération le mythe de l'Homme Nouveau que seule la femme en bonne santé, chaste, et s'imprégnant de lumière et de pensées nobles et pures peut façonner... («la future mère nourrit son enfant tant sur le plan physique que psychique, qu'elle le veuille ou non, elle peut le sous alimenter, voire l'empoisonner avec des matériaux nocifs ou le vivifier, voire le magnifier en lui fournissant des matériaux purs et nobles. La femme, la mère et elle seule a pouvoir sur la matière vivante, ce n'est pas de la science fiction, c'est la seule alternative aux dangers qui menacent l'humanité» (ANEP) Ou encore : «la mère surmenée donne naissance à un enfant débile ou anémique» (Shelton) «de nombreux cas de débilité mentale chez les enfants ont pour origine une vie sexuelle déraisonnable après la conception» Eglise de Compiègne)). Je donne les sources de ces inepties culpabilisantes à qui les veut !

Les femmes souffrent souvent du morcellement qu'on leur fait subir dans la maternité. En effet, classiquement, elles verront quelques minutes par mois leur gynécologue (quand elles ne vont pas voir, d'abord, leur médecin généraliste, ou leur gynécologue médical, qu'elles connaissent mieux, et qui les "orienteront " au 8e mois vers l'obstétricien), si elles sont suffisamment informées, elles iront suivre des cours de préparation à l'accouchement chez une sage-femme, avec laquelle elles investissent souvent affectivement car elles lui sont reconnaissantes de démystifier l'accouchement, malheureusement, ce ne sera que très rarement la même sage-femme qu'elles retrouveront à l'accouchement. De nouveau, il leur faudra établir une relation forte avec la sage-femme de garde, pour voir quelquefois arriver dans les dernières minutes le gynécologue-accoucheur... ou son remplaçant. Et le bébé est à peine né qu'entrent en jeu le pédiatre et la puéricultrice. Quel courage, quelle force intérieure il faut à cette femme pour gérer toutes ces rencontres, toutes ces ruptures, tout en assumant ses propres transformations et son nouveau rôle de maman !

Nous recevons tous les jours de ces jeunes femmes qui sortent des consultations prénatales plus angoissées qu'elles y sont entrées. Violence, violence. Violences verbales qui s'apparentent à une menace : «C'est votre 1er bébé ? Vous avez 90% de chance d'avoir une épisiotomie, vous n'y échapperez pas.» Violences verbales qui se veulent rassurantes : «De quoi avez vous peur ? On est là, s'il y a le moindre proble, on césarise et voilà !»

Ecoutons Virginie encore : «A la visite du 3e mois, il m'a dit de ne plus faire de voiture. J'ai demandé pourquoi ? Il m'a dit qu'il en avait marre de voir des femmes arriver en pleurant parce qu'elles perdaient du sang et qu'elles faisaient une fausse couche. J'avais maintenant peur de la voiture. Puis il m'a raconté qu'il avait dû avorter une patiente enceinte de 8 mois1/2 car le bébé avait une malformation rénale et qu'il n'aurait pas survécu à l'accouchement. (Oh, mon enfant, mon tout petit) Je me demande s'il le fait exprès, s'il m'en veut, ou s'il dit ça à toutes les femmes... Quand je lui ai dit que je ne voulais pas de péridurale, il m'a dit qu'il connaissait la chanson, qu'on disait toutes ça avant, mais que pendant on la réclamait, et que c'était ridicule de vouloir souffrir. A deux reprises, il m'a parlé de femmes ayant fait des hémorragies après un accouchement normal et qu'on avait dû amener au bloc en catastrophe. Heureusement qu'elles étaient à l'hôpital, m'a-t-il dit. Alors là, j'ai commencé à avoir peur de lui !»

Est-il besoin d'en rajouter, il y a beaucoup de femmes, de couples dans la salle, leurs témoignages rempliraient des bibliothèques. Je reviens à mon rêve : Puis tu es sorti de moi, douleurs d'entrailles, sueurs d'angoisses. Tu es sorti comme un oiseau de sa coquille... L'accouchement, passage initiatique qui devrait être magique, intime, car éminemment sexué, objet de tous les fantasmes, porteur de toutes les peurs... et où tous les sévices peuvent être pratiqués, pour le bien de la mère et de l'enfant, bien sûr. Le fait même qu'ils se déroulent dans des hôpitaux dont le but est de gérer la maladie est un facteur de risque : 90% des accouchements n'ont rien à faire à l'hôpital !

Prise de danger maximum avec le déclenchement artificiel du travail ; augmentation des anesthésies, des instrumentations, des césariennes, mépris total de l'énergie, de la volonté, du rythme de l'enfant, mépris total des capacités du couple mère-enfant à enfanter et à naître avec ses propres forces. Les déclencheurs de bébés sont des déclencheurs de frustrations graves, de troubles relationnels et sont responsables des maltraitances qui en découlent.

Atteinte à la pudeur, l'obligation de vous déshabiller et d'enfiler la fameuse chemise de bloc, très seyante, celle qui vous laisse le dos et les fesses nus, celle qui vous uniformise, celle qui vous conditionne : on ne sait jamais, s'il fallait passer au bloc. Nathalie, la semaine dernière , a demandé a son mari d'aller chercher dans la valise son long tee-shirt, celui avec des petits ours. Elle a balancé la chemise de bloc, a enfilé son vêtement, a souri et... s'est levée. Plus tard, dans la baignoire de la maternité, elle a déclaré qu'elle était bien, que dans l'eau, elle ne se sentait pas nue, pas exposée. On ne pourrait pas avoir des longs tee-shirt en coton avec des petits nounours dans toutes les maternités ? C'est donc si difficile de respecter la pudeur, la dignité des femmes ?

Atteinte à la pudeur : encore la position gynécologique, si confortable, qui fait de vous une femme disponible, le sexe offert à toute personne portant blouse blanche qui entre dans la salle, qu'elle se présente ou non : «Alors ici, où en est-on ? ça avance ? passez-moi un doigtier, mais bon sang, on pourrait pas toujours les mettre à la même place ? va falloir faire réviser ce monito, il fait un bruit infernal... Bon, on se détend ma petite dame, oh, mais c'est bien ça, ça avance ! Allez, encore un peu de patience, ça va venir» "ça", mon enfant, mon tout petit... Et le doigtier part a la poubelle, et le praticien, sage-femme ou gynéco, passe à la suivante...

Interdiction de manger et de boire, interdiction de fait de bouger. Je passe sur le supplice de la position sur le dos quand on a des contractions, sur les dangers qu'elle fait courir tant à la mère qu'à l'enfant, sur la perfusion systématique, sur l'autre bras bloqué par un appareil qui se gonfle seul toutes les 5mn, sur l'aiguille qu'on a finalement accepté de se laisser planter dans la colonne vertébrale, parce que vraiment c'est insupportable, sur l'épisiotomie pour laquelle on ne vous consulte pas et que paraît-il vous ne sentez pas.

Et là, le Corps (avec un C majuscule) Médical est content : la femme est détendue, soumise, tout est calme, en ordre... et le médico-légal a encore eu son sacrifice rituel... c'est une vraie coalition : tout est fait pour rendre la mère impuissante, pour créer toutes les conditions d'un échec de l'accouchement naturel. Il est temps d'affirmer ici que l'épisiotomie est une mutilation sexuelle au même titre que l'excision, même et surtout si elle est faite avec le sourire.

Je ne peux évoquer sans nausées ces situations où au fond, tout le monde est gentil, tout le monde est complice, et que 95% des femmes, des sages-femmes acceptent, finalement. Oh, bien sûr, en râlant, c'est tellement français, en le dénonçant. Mais, ça tourne, ça fonctionne !

Et les sages-femmes dans tout ça ? Les sages-femmes françaises sont comme les femmes françaises : 99,5% des femmes françaises accouchent dans des structures, 90% des sages-femmes travaillent dans des structures... et les unes comme les autres assurent donc la pérennité du système, même hors de l'institution, la plupart des sages-femmes libérales ne pratiquent pas d'accouchement, ne suivent pas les quelques couples sur les chemins de traverse où oser, risquer, vivre enfin la naissance d'un enfant avec ses propres forces est encore possible. Accoucher chez soi est encore une alternative légale dans notre pays, même si elle est gravement menacée : des départements entiers n'ont pas de sages-femmes acceptant d'accompagner les couples dans cette démarche, et la sécurité sociale menace de l'interdire de fait ou de le réserver à une classe aisée, en remboursant de plus en plus difficilement les frais de déplacement des professionnels. Mais la demande des parents reste très marginale et nous n'avons donc pas le rapport de force qui nous permettrait de nous faire entendre.

Il y a 20 ans, à Marseille, Montpellier, Châteauroux, Bruxelles, Royan, nous tenions exactement le même discours devant des salles combles de parents et de professionnels qui allaient changer tout ça... 20 ans plus tard la situation s'est dégradée, le taux de césariennes augmente, l'hyperindustrialisation de la naissance triomphe, parents et professionnels y collaborent...

Mon enfant, mon tout petit, tu es arrivé, dans l'éblouissement de la chair ; Et tu t'es mis à puiser, au mystère de mon corps, le suc de mon sang. Puis tu es sorti de moi, douleurs d'entrailles, sueurs d'angoisses. Tu es sorti, comme un oiseau de sa coquille, et je t'ai nourri de mon lait... Maintenant, mon petit enfant, mon bébé, je te regarde dormir, fleur charnelle à peine ouverte sur la vie, mais à jamais enracinée, au secret de mes fibres. Je te regarde dormir, et mon coeur déborde de tendresse...

J'ai offert ce poème écrit par une Marie-Pierre anonyme, à ma fille pour sa naissance, il y a 19 ans. Sans arrière-pensée, sans bleus à l'âme... parce que j'avais tout simplement vécu et ressenti cela. Je vous l'offre ce soir, comme un plaidoyer pour une société, donc pour un enfantement sans violence.


Publicité
Publicité
Commentaires
H
merci pour ce texte si juste.<br /> je suis très émue de lire ce que je ressens au quotidien.<br /> bravo pour ces mots de colère et d'indignation.<br /> <br /> je suis maman de 2 enfants nés à la maison accompagnée par une sf libérale; <br /> <br /> j'ai conscience d'être une goutte d'eau dans l'océan de la maternité; mais je suis prête à me battre pour défendre ce droit d'accueillir un enfant dans le respect, et pour que d'autres parents puissent y avoir accès.<br /> <br /> je crois que c'est en vivant notre choix, en partageant notre expérience et en communiquant sur nos valeurs, que nous pourrons éveiller chez d'autres une prise de conscience, et amorcer un virage plus humain de l'accompagnement de la naissance en france.
Publicité